I. INTRODUCTION
En application de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG), le Président de la Commission de l’Union africaine (CUA), S.E.M. Moussa Faki Mahamat a déployé une Mission d’Observation Electorale (MOEUA) afin de suivre et de procéder à une évaluation objective des élections législatives du 31 juillet 2022 au Sénégal et d’en faire rapport.
La MOEUA s’inscrit aussi dans le cadre des textes suivants :
- La Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique ;
- Les Directives de l’Union africaine pour les missions d’observation et de suivi des élections ;
- Le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs ;
- des instruments internationaux pertinents régissant l’observation internationale des élections ; et
- la Constitution et des lois de la République du Sénégal.
Elle est ainsi conforme à l’aspiration 3 de l’Agenda 2063 qui vise à garantir la bonne gouvernance, la démocratie, le respect des droits de l’homme, la justice et l’état de droit sur le continent.
Conduite par S.E.M. MAKUZA BERNARD, ancien Premier Ministre de la République du RWANDA, la MOEUA est composée de dix (10) observateurs issus de la Commission de l’Union africaine, d’organes de gestion des élections, d’organisations de la société civile et d’experts électoraux provenant de neuf (09) pays africains.
La présente déclaration rend compte des observations pré-électorales et des constats sur le déroulement des opérations de vote et de dépouillement dans les bureaux de vote visités aux élections législatives du 31 juillet 2022. La Mission continuera à suivre l’évolution du processus électoral et un rapport final plus exhaustif sera publié.
II. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE LA MISSION
Au regard de son mandat, la MOEUA avait pour objectif de procéder à une évaluation objective, indépendante et impartiale de l’organisation et de la conduite des élections législatives du 31 juillet 2022, d’une part, et de formuler des recommandations pertinentes à l’effet de contribuer à l’amélioration des processus électoraux futurs, d’autre part. La méthodologie suivie pour ce scrutin est l’observation de court terme.
Afin d’atteindre ses objectifs et en prélude au déploiement, la MOEUA a eu une série d’échanges et de rencontres avec les parties prenantes au processus électoral dont :
- Le Ministère de l’Intérieur notamment la Direction Générale des Elections (DGE) ;
- Le Ministère des Affaires Etrangères ;
- Les organisations de la société civile ;
- Des représentants des partis politiques ; et
- Les autres missions d’observation électorale.
En outre, elle a, à l’interne, organisé une session d’information et d’orientation sur le contexte sociopolitique, le cadre juridique, l’état des préparatifs des élections et sur les méthodes et outils d’observation notamment pour la collecte et le traitement des données. La MOEUA remercie les experts nationaux qui y ont contribué.
Le jour du scrutin, la MOEUA a déployé dix (10) observateurs répartis en cinq (05) équipes dans les départements suivants : Dakar (avec 2 équipes), Fatick, Diourbel et Thiès. Les équipes ont visité cent onze (111) bureaux de vote dont Dakar : 60 ; Fatick : 18 ; Diourbel : 19 et Thiès : 14.
III. CONSTATS ET OBSERVATIONS PRELIMINAIRES
Plusieurs points ont fait l’objet des observations préliminaires de la Mission.
A. Contexte politique des élections législatives
Le climat politique préalable à la campagne électorale aux élections législatives a été ponctué par quelques incompréhensions entre certains acteurs politiques, notamment en rapport avec l’invalidation des listes nationales d’une part des titulaires et d’autre part des suppléants des coalitions Yewwi Askan Wi et Benno Bokk Yaakaar.
Toutefois, la MOEUA salue par ailleurs, les différentes actions et initiatives de dialogue dont celle menée par la société civile qui ont permis d’apaiser l’atmosphère politique à la proche de la campagne électorale. Par la suite, toutes les parties représentées en coalition se sont engagées dans la campagne à travers tout le pays et ont appelé leurs partisans à s’acquitter de leur devoir civique de choisir leurs représentants.
B. Cadre juridique des élections législatives
La constitution du Sénégal du 05 avril 2016, en ses articles 03 et 59, prévoit que tous les sénégalais y compris ceux de l’étranger, disposent du droit d’élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. En permettant aux citoyens de l’extérieur de voter et de se porter candidat, cette Constitution s’accorde bien à l’article 21 de la déclaration Universelle des Droits de l’Homme à laquelle a adhéré le Sénégal.
Les acquis antérieurs et l’évolution du code électoral
Le cadre juridique des élections législatives au Sénégal témoigne de l’attachement du pays aux instruments juridiques internationaux. En effet le Sénégal a ratifié la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux et régionaux protégeant les droits et libertés fondamentaux des citoyens et garantissant leur participation à la vie publique et politique. Cet attachement de l’Etat aux droits de sa population est reflété dans de nombreuses dispositions de la constitution qui consacre dès son préambule l’exercice de la souveraineté par le peuple et l’accès de tous les citoyens, sans discrimination, à l’exercice du pouvoir à tous les niveaux.
Par le référendum de 2016, le Sénégal a procédé à une révision constitutionnelle et à une réforme du Code électoral (Janvier 2017) dont les principales innovations pour ne citer que cela :
- La participation des candidats indépendants à tous les types d’élections ; et
- Le passage de cent cinquante (150) à cent soixante-cinq (165) sièges à l’Assemblée Nationale, ainsi que le vote des sénégalais de l’étranger.
En outre, la loi du 04 juillet 2018 a modifié le code électoral en introduisant le parrainage dans le système électoral sénégalais.
Les innovations du Code électoral de 2021 modifié en 2022
Les consultations politiques engagées à partir de Janvier 2020 ont abouti à un réaménagement du code électoral, notamment en ce qui concerne les élections locales, élections des maires et présidents de conseils départementaux au suffrage universel direct.
Aussi, la loi modificative du 03 mai 2022 stipule dans son Article L. 150 alinéa premier que « les députés à l'Assemblée nationale sont élus à raison de 112 députés dont quatre-vingt-dix-sept (97) pour l'intérieur du pays et quinze (15) pour l'extérieur au scrutin majoritaire à un tour dans le ressort du département et cinquante-trois (53) députés au scrutin proportionnel sur la liste nationale ».
C. Administration électorale
Les institutions directement en charge de l’administration, la gestion et la supervision des élections au Sénégal sont :
- Le Ministère de l’Intérieur
- La Commission Électorale Nationale Autonome (CENA).
- Le Conseil Constitutionnel,
- La Cour d’Appel de Dakar, et
- Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA).
D. Enregistrement des électeurs
Le fichier électoral du Sénégal a fait l’objet d’audit en mai 2021, et en son article 37 le code électoral prévoit une révision annuelle. La mission note avec satisfaction, que le fichier électoral a fait l’objet d’une révision exceptionnelle avant chaque scrutin, et celui du 31 juillet 2022 se présente comme suit :
Total général des électeurs 7 036 466 dont 6 727 759 sur le territoire national et 308 707 à l’étranger. Cette opération a permis de générer 7013 lieux de vote pour 15 954 Bureaux de vote dont 15196 sur le territoire national et 312 à l’étranger.
E. Des candidatures aux législatives
Au-delà des conditions de capacité et d’éligibilité, la mission note que les particularités et innovations dans la législation sénégalaise portent sur le parrainage citoyen des candidats et l’équilibre des genres. Si cette dernière, qui impose des listes zébrées, est à saluer, son application autant que celle du parrainage citoyen font l’objet de quelques difficultés.
F. Campagne électorale
La campagne électorale s’est déroulée du 10 au 29 juillet 2022 soit vingt et un (21) jours avant la date du scrutin. La Mission a noté que les candidats étaient libres de battre campagne sur toute l’étendue du territoire national, sans restriction. Elle s’est déroulée globalement dans le calme, nonobstant quelques dénonciations de discours violents de la part de certains candidats dans quelques localités. La Mission a relevé par ailleurs que la campagne de proximité était la stratégie adoptée par la majorité des candidats.
G. Sensibilisation des électeurs
La Mission a noté avec satisfaction le dynamisme et la contribution positive de la société civile dans le processus électoral. Ensemble avec les organes en charge des élections, les organisations de la société civile ont mené des actions d’éducation citoyenne et de sensibilisation autour du scrutin. Cette sensibilisation a porté essentiellement sur les inscriptions sur les listes électorales, le retrait des cartes d’électeur, l’exercice du droit de vote et la tenue d’un processus électoral apaisé.
H. Participation des femmes et des personnes vivant avec un handicap
La MOEUA salue les progrès réalisés par le Sénégal sur la représentativité des femmes dans les organes électifs et semi-électifs même si le défi demeure au niveau des instances décisionnelles nationales et locales.
En ce qui concerne les personnes à mobilité réduite (vivant avec un handicap), des dispositions légales existantes méritent d’être accompagné par des modalités pratiques permettent l’accès facile au bureau de vote.
IV. OBSERVATIONS DU JOUR DU SCRUTIN
A l’issue de l’observation, les lignes qui suivent présentent les constats de la Mission :
A. Ouverture des bureaux de vote
L’environnement et l’atmosphère générale étaient pacifiques et calmes dans tous les bureaux de vote visités, aucun incident signalé par les observateurs. Quelques laps de temps de pluie à Diourbel et Fatick n’ont pas véritablement gêné les opérations.
La Mission se réjouit que les électeurs sénégalais aient pu s’exprimer librement en toute sérénité.
La quasi-totalité des bureaux de vote visités ont ouvert à l’heure légale (8 heures), quelques cas isolés ont ouvert avec 15 à 25 minutes de retard dû principalement à l’arrivée tardive de certains agents électoraux.
Les membres des bureaux de vote étaient présents, ainsi que les agents de la CENA. Le matériel était disponible et en quantité suffisante dans tous les bureaux de vote visités et les procédures d’ouverture ont été respectées.
Dans la majorité des cas, les bureaux de vote visités étaient accessibles pour les personnes vivant avec un handicap.
B. Déroulement des opérations de vote
Dans la quasi-totalité des bureaux de vote visités, le nombre des membres du bureau de vote variait entre deux (2) et trois (3) personnes.
L’aménagement des bureaux de vote a permis la fluidité et le secret du vote. Les procédures de vote ont été respectées (Vérification des électeurs sur les listes, encre indélébile etc.). Toutefois, la Mission a relevé que le personnel électoral n’avait pas de signe distinctif, créant ainsi une certaine confusion dans l’identification des membres de bureaux de vote.
C. Sécurisation des opérations de vote
Les agents de sécurité étaient présents, discrets et professionnels. Le vote s’est déroulé dans le calme dans tous les lieux de vote visités.
D. Représentants des candidats et observateurs
Les représentants de certaines coalitions étaient présents dans les bureaux de vote visités, notamment BBY (BENNO BOKK YAAKAAR) YAW (YEWWI ASKAN WI) et dans une moindre mesure Wallu Sénégal.
E. Participation électorale
A l’ouverture, la Mission a observé des files d’attente par endroits devant les bureaux de vote visités. En cours de journée, elles se sont progressivement amenuisées révélant un engouement modéré des électeurs.
F. Participation des femmes
Les femmes ont été bien représentées en tant qu’électrices, membres des bureaux de vote et représentantes des coalitions politiques.
G. Clôture et dépouillement
A l’instar de la journée de vote, les opérations de clôture et de dépouillement se sont déroulées dans un climat de sérénité. Tous les bureaux de vote visités par la mission ont fermé à l’heure légale (18h), le dépouillement des scrutins a été opéré de manière satisfaisante et conformément au code électoral.
Par ailleurs, les représentants des candidats ont pu recevoir une copie du procès-verbal et la Mission a noté l’affichage immédiat des résultats devant les bureaux de vote observés après l’achèvement du dépouillement.
Le taux de participation dans les bureaux de vote visités oscille entre 39% et 48% donnant une moyenne de 43% environ.
V. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
La Mission d’Observation Electorale de l’Union Africaine a fait le constat général de la volonté du Gouvernement, des acteurs politiques et du peuple sénégalais d’œuvrer à l’ancrage de la démocratie dans le pays, en dépit de certains points de désaccord relatifs au processus électoral. Elle félicite le Sénégal pour :
- La tenue périodique des élections,
- La tenue des élections libre, transparente et apaisé,
- La participation visible de la Femme,
- L’implication effective de la diaspora avec près de 10% des sièges du parlement,
- La consultation menée autour du code électoral,
- L’engagement de la société civile
- Le financement des élections à 100% par les fonds propres du Sénégal.
La MOEUA formule les recommandations suivantes afin d’améliorer les processus électoraux à venir.
Aux autorités gouvernementales et législatives :
Tout en félicitant les parties prenantes sénégalaises pour la culture d’assise qui consiste à mener le dialogue constructif après les élections, la MOEUA encourage les autorités sénégalaises à poursuivre cet élan de dialogue avec une approche inclusive pour un consensus élargi sur les points de divergence.
Aux organes chargés des élections :
La MOEUA note le professionnalisme des autorités et des agents électoraux qui maitrisent parfaitement les procédures, toutefois elle exhorte l’administration électorale à prendre des mesures pour l’identification des membres des bureaux de vote afin de faciliter la distinction des personnes présentes au bureau de vote.
La MOEUA appelle à la poursuite de l’information et de l’éducation électorale en vue de permettre à un maximum de citoyens de disposer de cartes d’électeurs et de participer effectivement aux processus électoraux.
Aux partis politiques :
Félicitant les partis et coalitions politiques sénégalais pour avoir contribué à apaiser l’atmosphère préélectorale, pour avoir mené une campagne civilisée, la MOEUA les encourage à maintenir cette culture et à se doter d’un code de bonne conduite encadrant leurs différentes activités, en particulier en période électorale.
A la société civile :
La MOEUA note la forte implication de la société civile sénégalaise aux processus électoraux, et salue ses actions de médiation et de plaidoyer. La mission encourage la société civile à poursuivre ses efforts auprès des autorités, des acteurs politiques et des citoyens en vue de consolider les acquis démocratiques du Sénégal.
La MOEUA félicite la société civile sénégalaise pour l’observation électorale organisée et professionnellement menée à chaque scrutin et les encourage à poursuivre ses actions d’observations citoyennes.
La présente déclaration préliminaire sera suivie d’un rapport final détaillé qui sera communiqué au gouvernement du Sénégal et publié.
Posted by Abraham Kebede
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